Interview de Siné hebdo en avril 2010 :

Siné hebdo – L’affaire elle-même est assez compliquée. Essayons de la résumer…

Gérard Filoche – Tout commence en 2004 parce qu’une grosse entreprise de la rue de la Paix, Guinot, ne respecte pas le droit au retour d’une femme après son congé maternité. Celle-ci se syndique, demande des élections de CE. Les patrons demanderont trois fois l’autorisation abusive de la licencier. Je refuse trois fois pour discrimination.

Siné hebdo – Le problème, c’est que votre hiérarchie ne vous a pas suivi ?

Gérard Filoche – Absolument. Ma hiérarchie casse trois fois ma décision en dépit de la machination évidente pour se débarrasser la jeune femme. Les patrons, encouragés, en profitent pour engager une procédure inédite contre moi sous l’improbable prétexte d’un « chantage envers le CE ».

Siné hebdo – C’est sans précédent ?

Gérard Filoche – Oui, du jamais vu. En droit c’est comme escalader l’Anapurna par la face nord, pieds nus. Le juge d’instruction me convoque le 7 mars 2007 : si je me suis rendu dans l’entreprise le matin où le CE se réunissait, c’était pour les besoins légaux de mon « enquête contradictoire », j’ai veillé à ce que le CE se réunisse à part, vote à bulletins secrets, pour donner un avis, consultatif – qui n’engageait en rien ma décision. Il n’y avait aucun sens à faire la moindre « pression » sur ce CE composé de 2 membres qui avaient déjà donné un avis contre la salariée lors de la deuxième procédure. Le juge l’a compris et a renoncé à me mettre en examen après cinq heures d’interrogatoire.

Siné hebdo – Cette fois, vous pensiez en avoir vraiment fini ?

Gérard Filoche – Je le croyais… Mais le juge a interrogé Jean-Denis Combrexelle, directeur général du travail, en « droit pur », pour savoir si un inspecteur pouvait aller à une réunion de CE. Le DGT renvoie en décembre 2007 une lettre partisane, très virulente, qui, bien que ne me concernant pas nominalement, pousse le Procureur à prendre un « réquisitoire supplétif » : il me met « en examen » et remplace « chantage envers le CE » par « entrave au CE » (tout cela, un comble, sans que ledit CE n’ait été consulté…). Ma hiérarchie, sans jamais me convoquer ni m’entendre, m’accable et refuse toute « protection fonctionnelle » pour financer ma défense alors que j’étais dans l’exercice de mes missions.

Siné Hebdo – Mais alors que vient-il de se passer ?

Gérard Filoche – Le Tribunal administratif vient de casser les trois décisions de ma hiérarchie contre moi, annule les trois licenciements de la salariée, les reconnaît comme « discriminatoires ». Entre temps, la salariée avait aussi réussi à faire condamner ses anciens patrons en appel pour « entrave à l’exercice de son mandat de déléguée syndicale ». C’est un délit, ce sont des délinquants. La discrimination est établie. La jeune femme peut se retourner contre l’entreprise pour réparation car elle a beaucoup souffert. C’est une victoire complète au bout de 6 ans de lutte.

Siné hebdo – Et en ce qui vous concerne ?

Gérard Filoche – Avant de partir en retraite, le 23 décembre 2010, professionnellement, juridiquement, déontologiquement, je ne suis pas mécontent d’avoir raison sur le fond et sur la forme contre les décisions de ma hiérarchie jusqu’au plus haut niveau. Alors maintenant le juge a le choix : soit il prononce un non-lieu sur l’affaire fumeuse d’entrave au CE de ma part, soit il m’envoie quand même au tribunal. On va voir. J’aimerais savoir comment mes supérieurs, qui ont voulu nier une discrimination aussi évidente, vont être sanctionnés. Quelles étaient leurs vraies motivations pour agir, trois fois, de manière partisane ?

Propos recueillis par Olivier Marbot en avril 2010 publiés dans Siné hebdo n°85

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